Sur Facebook, l’ami Christopher Bihoreau (alia Random) relève un peu narquois que Bodoi entame une série de questionnaires sur le marché de la BD numérique avec les réponses d’Aquafadas. Aquafadas dont l’une des représentante (Allison Reber) est également collaboratrice de Bodoi. Bien que j’aie également relevé un intérêt un peu trop appuyé de Bodoi pour Ave! Comics, je ne pense pas que cela soit un si gros problème.

L’intérêt de tous les acteurs de ce marché balbutiant est avant tout que le marché se développe. Pour le moment le gâteau est tout juste assez gros pour servir de goûter à la récré. Ca ne va pas nourrir grand monde si chacun se tire dans les pattes pour le partager. Que Bodoi ait ou non des accointances envers l’un ou l’autre acteur, l’intérêt premier de tout le monde – et de Bodoi en premier – est qu’on parle de toute la BD numérique pour montrer qu’elle mérite qu’on s’y intéresse. Le public reste à conquérir, il y a besoin de tout le monde pour y parvenir.

En revanche, un organe un peu plus indépendant serait un plus pour valoriser les efforts de tous. C’est exactement l’objectif de l’association qui s’apprête à voir le jour dans la continuité du travail mené autour de Webcomics.fr et de l’annuaire des BD en ligne.

A titre personnel, je déplore simplement qu’on se concentre de plus en plus sur une « BD numérique » qui est conçue comme un dérivé de la BD originale. Entre la communication autour d’un tarif inférieur à celui d’un album et le choix affirmé qu’il s’agit d’un produit dérivé, on ne rend pas honneur à la BD. On cherche à gagner un nouveau lectorat en lui vendant une sous-BD… Pas très valorisant pour le lecteur non plus en définitive.

La francophonie est le seul territoire où la BD soit devenue avant tout un objet d’art et de collection, plutôt qu’un fascicule bon marché destiné à être vite lu et vite jeté. Cette « BD numérique » qui prétend compléter la BD papier sans entrer en concurrence est sans doute bien plus dangereuse pour elle car elle la déprécie. Des albums de collection deviennent de petites applications pas chères, qu’on ne craint pas de perdre lorsqu’on changera de téléphone. Je n’appelle pas ça un progrès.

Mieux vaudrait inventer de nouveaux modèles qui rendent enfin possible la production professionnelle d’oeuvres numériques à part entière. Loin de faire concurrence à la BD, cela lui ferait honneur. La BD est un medium né grâce au progrès de la reproductibilité du texte et de l’image… Il est naturel pour elle d’évoluer avec l’arrivée d’une technologie comme Internet. Internet est une opportunité de ressusciter une BD populaire, accessible à tous et partout. Voilà une concurrence qui ne ferait pas de tort à la BD papier, parce qu’elle la valoriserait dans sa matérialité, son prestige tout en démontrant que le medium sur lequel elle repose est vivant et capable de s’adapter à des technologies dont ses inventeurs n’auraient jamais imaginé qu’elles existeraient un jour.