Dans la droite ligne de sa numérologie 2009, Xavier Guibert (du9) démonte quelques idées reçues sur la bande dessinée , notamment celle de sa popularité. La BD toucherait principalement les jeunes de 7 à 34 ans issus des catégories les plus aisées et les plus instruites. Didier Pasamonik (ActuaBD) réagit assez vivement sur la page Facebook de l’Association des auteurs de bande dessinée. Au delà du débat sur la justesse des chiffres IPSOS qui appuient le raisonnement de Xavier Guibert, c’est la question de la diffusion de la bande dessinée qui se pose. Selon Didier Pasamonik, la BD souffrirait avant tout de sa disparition progressive des rayons des supermarchés.

On peut se demander si la bande dessinée de supermarché est bien celle dont on aimerait qu’elle soit plus populaire ; et surtout si les supermarchés sont encore le meilleur lieu d’interface entre le public et la culture.

Une enquête publiée en 2007 par le magazine Krinein approfondit la question de la diffusion de BD en supermarché. On y découvre le portrait d’une « bédé de supermarché » qualibrée par le marketing. Le public des supérettes y est dépeint comme parfaitement déconnecté de celui qui fréquente les librairies. Mais le plus inquiétant est que la bande dessinée en 2007 était plus souvent lue dans les rayons des supermarchés que dans ceux des médiathèques ! Rien d’étonnant à ce que la BD ait mis si longtemps à trouver une reconnaissance intellectuelle : sa première vitrine étaient les temples de la consommation de masse.

Pourtant Didier Pasamonik déplore que les supermarchés réduisent la quantité de rayons alloués à la BD… C’est à mes yeux un combat d’arrière garde. Le supermarché répond à une nécessité : aller chercher le lecteur là où il se trouve. Ne peut-on obtenir un résultat quantitatif comparable tout en montant en qualité : faire découvrir de la bonne bande dessinée au plus grand nombre ? Nous achetons de moins en moins les produits culturels en supermarchés tandis que le commerce en ligne explose. Les derniers soldes ont été déplorables pour le commerce physique, mais le commerce en ligne a vu son chiffre grimper de 19%. On a beau incriminer la neige, cela fait quelques années que chaque grand moment de consommation est marqué par l’augmentation des chiffres de la vente en ligne.

Internet est le nouveau supermarché des industries culturelles. Or personne n’achète une bande dessinée à l’aune de sa couverture. Hormis la vente, les supermarchés facilitaient surtout la lecture intégrale des oeuvres. La Fnac a adopté l’idée au point d’en faire un argument de vente. Pourtant personne ne se précipite pour offrir au consommateur le même service sur Internet que dans le monde physique : accéder à moindre coût à l’intégralité des catalogues pour une lecture-découverte.