Dans un article intitulé « Face aux éditeurs, quels sont nos arguments ? », le SNAC BD invite ses sympathisants et ses adhérents à centrer leurs revendications autour d’une seule et unique question : celle du montant des droits d’auteurs dans l’exploitation numérique de leurs oeuvres. Les initiatives actuelles des éditeurs (Iznéo en tête) prennent la BD numérique par le petit bout de la lorgnette. Mais est-ce une raison pour que les auteurs adoptent la même démarche ? Après l’appel à la concertation (Cf l’Appel du numérique), le SNAC-BD installe son action dans le conflit et place les auteurs « face » aux éditeurs dans des négociations réductrices au regard des enjeux initiaux.

Comme je l’ai déjà soulevé, l’enjeu consiste à donner une place à la bande dessinée dans les loisirs numériques. Pour y parvenir, la seule voie pour auteurs et éditeurs consiste à travailler main dans la main dans l’intérêt des lecteurs. Dans cette perspective, l’appel à la concertation était salutaire, tant les propositions actuelles des éditeurs sont décevantes.

Aujourd’hui les discussions sont ouvertes et des rencontres sont organisées. Mais le ton que prennent les échanges s’éloigne de celui de la concertation : on parle maintenant de « négociation » et de « revendications ». Certes, c’est le jeu de l’action syndicale. Mais est-ce la meilleure manière de défendre les intérêts des auteurs ?

On l’a vu, les éditeurs ont du pain sur la planche pour rétablir la confiance avec les auteurs. On ne s’improvise pas éditeur numérique sans de sérieuses remises en question : les déboires des industries musicales ou de la presse l’ont démontré. Mais les auteurs ont aussi leur part du chemin à franchir.

Le SNAC-BD s’appuie sur l’hypothèse d’un glissement complet du papier vers le numérique dans le cadre duquel les ventes pourraient ne pas augmenter tandis que le prix de vente aurait été « cassé » et le montant des droits d’auteur avec. Pour qu’une telle hypothèse se réalise, il faudrait :

  1. que le lecteur BD se mette à n’acheter que des fichiers numériques plutôt que des livres dans les conditions de commercialisation actuelles de la BD numérique ;
  2. qu’il réduise drastiquement son budget BD plutôt que d’en profiter pour augmenter le nombre de ses lectures.

Si l’on ne peut rien garantir, on peut douter qu’une telle hypothèse se réalise un jour.

Plutôt que de s’adonner aux suppositions, il m’apparaîtrait plus constructif d’exiger :

  1. la formulation concertée d’offres commerciales attractives pour le lectorat numérique ;
  2. la remise à plat de l’investissement de chacun dans le cadre de ces offres et la répartition des bénéfices escomptés.