Google a fondé son succès sur l’algorithme PageRank : un score accordé à chaque page web en fonction du nombre et de la qualité des liens qu’elle reçoit. Le score d’une page web donnée bénéficie d’autant plus d’un lien que celui-ci émane d’une page elle-même dotée d’un fort Pagerank.
Dans un environnement dans lequel l’écrasante majorité des recherches en ligne est effectuée avec Google, la valeur économique d’un lien ne tient plus à la qualité et à l’originalité du contenu qu’il désigne, mais à sa capacité à attirer le clic par un intitulé racoleur et à bénéficier de connexions avec d’autres pages elles-mêmes fortement connectées dans le cadre d’accords économiques plutôt qu’éditoriaux.
Ce néologisme venu de Québec désigne la surinformation ou la surcharge informationnelle. Dans l’environnement que nous venons de décrire, il est plus rentable de produire une information dupliquée et non vérifiée qu’une information originale. Dans leur ouvrage L’information à tout prix, Julia Cagé, Nicolas Hervé et Marie-Luce Viaud révèlent dès 2017 que près des deux tiers de l’information publiée en ligne relèvent du copier-coller pur et simple.
Cela concourt au sentiment d’être noyé par des informations de piètre qualité et de peiner à découvrir des informations pertinentes.
Il est devenu difficile de distinguer le vrai du faux parmi les informations qui rivalisent de sensationnalisme pour capter l’audience. Quels que soient les efforts déployés pour éduquer et former l’esprit critique, nul ne peut évaluer la pertinence des informations et la fiabilité des sources face au flot continu et décontextualisé des informations exposées sur un réseau social.
Le baromètre du journal La Croix sur la confiance des français dans les médias le rappelle d’année en année : la défiance est grandissante envers les médias. Le travail des journalistes est entaché de la perception qu’en donnent les contenus gratuits mis en avant sur les réseaux sociaux numérique. Ce sont les contenus les plus sensationnels et les moins qualitatifs qui sont plébiscités par les algorithmes de recommandation.
De son côté, la presse n’a plus les moyens d’investir dans la production d’une information originale et de qualité, du fait de la captation du marché publicitaire par les acteurs du numérique.
Afin de capter notre attention, les interfaces des réseaux sociaux amplifient notre tendance à nous entourer de gens qui nous ressemblent, au point d’ignorer les points de vue étrangers.
La surcharge informationnelle, l’exposition aux « fake news » et la perte de confiance dans les médias encouragent ce repli dans un entourage qui apparaît plus digne de confiance.
C’est ce qu’on désigne communément comme des bulles de filtre.
A force d’échanger avec un entourage qui partage nos vues, nous avons tendance à radicaliser nos positions et nos propos.
Lorsqu’il nous arrive d’être exposés à des points de vue différents, cela se produit sans nuance : les positions exacerbées des uns et des autres se heurtent frontalement et nourrissent l’exaspération mutuelle, la brutalisation et l’ensauvagement.
Afin de maximiser les affichages publicitaires, les interfaces des plateformes ont été peaufinées au fil des années pour capter et retenir l’attention.
Tristan Harris, ancien éthicien du design des produits de Google devenu lanceur d’alerte assimile cela à du piratage sur le cerveau humain. Pour l’investisseur spécialiste des nouvelles technologies Bill Davidow, les entreprises de l’Internet tirent profit de l’addiction au même titre que l’industrie du tabac ou les casinos.
Cela entretient le cercle vicieux des 6 autres plaies.
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