La bande dessinée conserve le format du livre (objet sacré dans nos mentalités occidentales) là où musique et audiovisuel traversent les décennies en changeant de support de reproduction. L’album a quasiment héradiqué la concurrence de la presse et aucune version numérique des oeuvres (pourtant de plus en plus produites sur ordinateur) n’est vendue.

Le renouveau commercial de la BD viendrait-il de la non convergence des supports ? « un seul pour les gouverner tous et dans les ténèbres les lier »…

En porte-à-faux de tout ce qui fait aujourd’hui l’industrie culturelle, la BD traverse son heure de gloire… Mais pour combien de temps ?

Je l’aborde sur le forum BDamateur, j’y viens suite à un article sur la politique de Dargaud face à la menace du piratage.

L’objet « BD » a conservé pour le lecteur (soit le consommateur) les vertus sacrées du livre. Alors que d’autres secteurs de l’industrie culturelle sortent de ce schéma, la bande dessinée y fait son nid. L’explication est simple. Walter Benjamin parlait de désacralisation de l’oeuvre face à sa reproductibilité. Aujourd’hui on désacralise l’objet lorsque l’oeuvre (re)produite l’est sous une forme numérique. La musique ou le cinéma en sont là parce qu’ils sont reproduits sur CD et sur DVD.

Mais la bande dessinée, elle, reste un livre. Parallèlement la littérature (livresque par tradition également) perd un peu de sa superbe à mesure que le public prend conscience que l’écriture est d’abord un acte numérique : le manuscrit à la main est devenu une exception, les éditeurs refusent même de les lire (d’après un article d’Epok sur les rudes sentiers qui mènent un auteur à l’édition).

Rien d’étonnant, donc, à ce que l’industrie du livre vive une embellie ces dernières années avec en tête des meilleures ventes… Des albums de bande dessinée.

Le public a perdu la foi en la sacralité du CD depuis qu’il connaît le mp3. Le public retourne au cinéma parce que le DVD n’a rien de sacré tant il est numérique, on l’achète pour la collection (et encore, la profusion d' »éditions collector limitées » qui finisses en solderie ou en occase va-t-elle bien finir par attirer une prise de conscience que le DVD n’a aucune valeur spéculative), pour les bonus (qu’on ne regarde pas) et pour le statut social (ça c’est important).

De l’industrie culturelle il ne reste plus que la bande dessinée a être blanche comme neige. Le livre s’en sort encore bien, avec l’échec du livre électronique, qui lui a accordé un répis. Mais c’est bien la BD qui est encore intouchable. Comme le DVD elle est objet de collection, mais contrairement à lui elle peut avoir une valeur spéculative (voir le marché des éditions originales). De plus elle est le seul moyen d’accès à l’oeuvre (alors que le cinéma se voit en salle ou en divx et la musique s’écoute en concert ou en mp3), son marché n’est pas dilué sur plusieurs supports antagonistes.

A quand la prise de conscience que nos auteurs de BD produisent de plus en plus des fichiers informatiques ? Et que finalement être proche de l’oeuvre c’est peut-être bien souvent en voir une copie numérique. L’inertie est forte parce que tout est rpoduit pour le papier et le format album. Mais les success-stories en ligne commencent à pointer leur bout du nez (je pense à Frantico)… Et un auteur va bien finir par refuser de passer au papier pour pratiquer son Art là où il est né.

Tout ça finalement, c’est une question de génération.