Depuis quelques mois déjà je surveille du coin de l’oeil les e-readers (ou liseuses en français) : ces terminaux poids-plume capables d’embarquer des dizaines de livres et d’afficher des milliers de pages sans qu’on recharge leur batterie. Depuis quelques semaines ça s’accélère, jusqu’à ce que la salon du livre accorde à ces objets la vitrine qu’ils attendaient. Devant le succès annoncé du papier électronique, je me demande comment la bande dessinée en ligne survivra.
Soyons clair : je rêve de bazarder ma bibliothèque de papier pour la souplesse qu’offre la solution électronique. Poids, encombrement, qualité d’image et fonctionnalités présentes ou à venir (traduction, recherche, annotation…) : je ne vois aucune raison d’encombrer mes étagères de livres si je peux emporter tout ce qu’ils renferment avec moi (et plus encore). Je ne fais donc pas partie de l’armada conservatrice qui défend mordicus l’idée que l’écriture aurait trouvé dans le livre l’ultime étape de son évolution. La littérature et l’écriture survivront fort bien à cette nouvelle technologie, comme elles ont survécu lorsque l’imprimerie a privé les moines copistes de leur exclusivité, ou que le livre relié a renversé le papyrus. Paradoxalement, mes craintes se tournent plutôt vers les formes d’écriture encore balbutiantes qui émergent sur Internet… En particulier la bande dessinée en ligne, bien fragile encore en francophonie face à une bande dessinée papier florissante.
Le papier électronique s’inspire en effet si bien du « vrai » papier, qu’il en adopte les travers. L’excellente autonomie du papier électronique repose sur sa très faible consommation lorsqu’une page reste affichée. Le rafraichissement des pages est d’ailleurs encore assez lent par rapport à un écran classique. Plus question donc, de jouer des dimensions infinies de l’espace numérique, en produisant des planches verticales (ou horizontales) à volonté. L’animation est pour un temps elle aussi exclue. De même que l’idée de créer des zones réactives au « clic » ou des récits à cartographie multiple : tout est fait dans l’idée que les pages s’enchainent dans une linéarité rassurante. Enfin, pour l’heure, les terminaux sont clairement destinés à la lecture, écartant la communication entre l’auteur et ses lecteurs à travers forums et commentaires. La question de la couleur me semble secondaire, tant on peut être certain que les prochaines générations de papier électronique pallieront à son absence.
Le livre électronique devrait par contre favoriser ce que le web avait déjà pas mal mis en avant : la faveur ira au feuilleton et aux séries régulières. La possibilité de télécharger chaque jour les dernières parutions de ses journaux, BD et blogs favoris pour les lire confortablement comme on lirait le journal va forcément encourager la création de récits « à suivre ». Une bien maigre consolation face à l’univers des possibilités qu’offrent le web aujourd’hui. Pensez-vous que je suis trop pessimiste ?