Table ronde organisée par les fondateurs du blog Phylacterium qui se propose d’éclaircir les enjeux actuels de la bande dessinée numérique. J’y participais aux côté de Arnaud Bauer, président de la maison d’édition Manolosanctis, et de Catherine Ferreyrolle, directrice de la bibliothèque de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image à Angoulême.

Lieu : école nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib, Villeurbanne)

La BD numérique en bibliothèque, la grande inconnue

La table ronde organisée par les auteurs du blog Phylacterium, élèves conservateurs à l’ENSSIB, a permis de révéler un vaste chantier dont on parle trop peu en matière de BD numérique : celui des bibliothèques. Ces questions ont été abordées après que nous ayons dressé un panorama synthétique mais aussi complet que possible de la BD numérique, à l’intention d’une bonne quarantaine de personnes, principalement des élèves conservateurs et membres de l’équipe enseignante, mais aussi un représentant d’Izneo et quelques curieux. Je ne reviendrai pas sur les idées développées par Arnaud Bauer (Manolosanctis) et moi même, qui recouvrent pour l’essentiel les enjeux abordés au fil des billets de ce blog.

Catherine Ferreyrolle, directrice de la bibliothèque de la CIBDI à Angoulême nous a pour sa part brossé le portrait de documentalistes volontaires mais dépassés par l’ampleur du chantier. Une chose est sûre, la BD numérique est une priorité pour cette année… Mais comment assumer son rôle de prescripteur lorsqu’on peine déjà à digérer la production traditionnelle (5200 sorties l’an passé) ? La production numérique manque de lisibilité : trop de choses parmi lesquelles chercher les perles rares.

Il faut aussi faire face à la diversité des formats et des interlocuteurs. 3 bibliothèques en France seulement sont abonnées aux Autres Gens. Manolosanctis accueille le compte utilisateur d’une bibliothèque, à travers lequel un documentaliste compose des listes de lecture limitées aux BD hébergées par l’éditeur numérique. Quant a Izneo, l’offre n’est pas encore prête, mais il est prévu de proposer un abonnement pour permettre la consultation de l’ensemble du catalogue au sein des bibliothèques qui y souscriront.

Les bibliothécaires n’ont d’ailleurs pas toujours de sensibilité pour la BD sur écran. Faute d’autres organes de prescription, ils sont donc démunis malgré leur bonne volonté. Les usagers eux-même ne sont pas demandeurs. Lorsqu’on se déplace dans une bibliothèque, on le fait plutôt pour emprunter des livres que pour s’y installer et lire sur un écran. Chez soi, personne ne pense à se connecter à l’espace numérique de sa bibliothèque municipale pour y chercher des histoires. Comme l’a souligné Arnaud Bauer, la prescription passe aujourd’hui par les réseaux sociaux et les recommandation de nos « amis » sur Facebook. Le bibliothécaire devrait-il prendre à bras le corps le rôle de community manager ?

Tout au long de cette table ronde, j’ai mis l’accent sur la différence entre BD numérique et BD numérisée et l’importance de ne pas faire de la seconde un préalable à la première. Il est nécessaire de s’interroger plus largement sur le rôle de la BD dans le devenir des récits dans le contexte de la convergence numérique (les mêmes écrans permettent d’accéder à tous les médias). La bande dessinée a une responsabilité dans l’invention des formes narrative numériques, quand bien même le résultat ne serait plus reconnu comme de la bande dessinée.