Terminologies de la BD sur support numérique dans la presse francophone (base Factiva).Le mémoire de Tony dont je parlais dans mon précédent billet est en ligne :  »Bande dessinée interactive, comment raconter une histoire ? ». Quel plaisir de voir que des étudiants continuent de consacrer leurs travaux universitaires aux rapport entre bande dessinée et support numérique ! Au détour de la première partie de son mémoire, Tony relève la disparité des terminologies employées pour parler du sujet qui nous occupe :

Il n’existe pas de terminologie « officielle » pour parler du médium qui nous préoccupe ici. Par convention, une série de termes est communément utilisés. Edouard Lussan qualifie son Opération Teddy Bear de bande dessinée interactive. Laurène Streiff utilise le terme e-BD , par analogie avec l’e-mail. La bande dessinée en ligne est désignée tel quel, ou par le terme anglais webcomic (le site webcomics.fr et d’ailleurs français), ou encore BD/I par Thierry Smolderen . On trouve encore les termes bande dessinée multimédia et bande dessinée numérique . A ma connaissance, personne ne s’est réellement penché sur le problème de l’usage de ces termes. Ainsi ils sont utilisés de manière assez arbitraire et interchangeable.

Cette disparité a également inspiré Christopher Bihoreau, qui s’efforce de définir les différentes formes de BD sur support numérique à l’intention des néophytes.

En réalité les différentes terminologies peuvent être datées avec précision et ne sont pas interchangeables. L’usage évolue rapidement et se cristallise nettement autour de certaines terminologies à un moment donné. C’est en tous cas l’observation que j’ai pu faire tout au long des 10 dernières années. J’ai pu la confirmer objectivement grâce à une base de données de la presse francophone (Factiva) accessible aux usagers des bibliothèques de l’université Paul Verlaine – Metz.

Voici ce que l’on observe dans la presse francophone :

Terminologies de la BD sur support numérique dans la presse francophone (base Factiva).

Les différentes déclinaisons de chaque expression ont été prises en compte pour constituer ce graphe (singulier et pluriel, BD autant que « bande dessinée »).

Plusieurs éléments me semblent importants :

  • La bande dessinée sur support numérique intéresse de plus en plus la presse, preuve de son développement ;
  • L’expression « BD interactive », toute première terminologie, est en recul depuis quelques années malgré cet intérêt croissant de la presse
  • L’expression « BD en ligne » est celle qui affiche la meilleure longévité : toujours pertinente aujourd’hui, elle persiste depuis 2001
  • Il faut compter aujourd’hui avec les « blogs bd » (en développement depuis 2005) et la « bd numérique » (présente depuis 2005, mais en pleine explosion ces derniers mois)
  • L’expression « webcomics » venue du monde anglosaxon reste marginale

Un autre indicateur d’usage réside dans les expressions cherchées par les internautes sur Google (via Google Tendances de recherches) :

On observe que les internautes français n’ont pas du tout adopté l’expression « bd interactive » ni l’expression « bd numérique ». L’expression « blog BD » s’est imposée devant « BD en ligne », tandis que « webcomics » existe à la marge. (NB: j’ai du restreindre le graphe à la France, afin d’écarter la prédominance de l’expression « webcomics » sur le web international.)

On peut déduire de ces observations croisées :

  • La croissance de la BD sur support numérique s’appuie sur un matelas constitué par les BD en ligne/webcomics (suivant l’inclinaison du public pour le web anglophone).
  • Les blogs BD sont le moteur de cette croissance : les médias ont suivi le public dans le plébiscite de ce format propre au web francophone.
  • La BD numérique – malgré des apparitions dans la presse depuis 2001 – est plutôt une construction marketing récente qui n’a pas encore été adoptée par le public. On la doit principalement au développement des offres de BD numérisées pour la téléphonie mobile.