Sébastien Naeco signe un panorama des nouveaux terminaux susceptibles de permettre la lecture de bande dessinée. Force est de constater que cela part dans tous les sens. Faute de standards technologiques, il n’est pas étonnant qu’auteurs et éditeurs se montrent très prudents (d’aucuns diraient timorés). Et pourtant, un standard existe à travers le web en tant que mode de diffusion.
Rappelons que la BD interactive est née sur CD-rom, mais qu’elle s’est empressée de migrer sur le web. Le web qui a donné naissance aux BD en ligne, blogs BD et autres webcomics d’outre-atlantique. Face à cette production, à son histoire et à ses succès, la « BD numérique » (je préfèrerais dire « numérisée ») que l’on s’efforce aujourd’hui de nous vendre sur iPhone fait pâle figure en dépits de ses levées de fonds astronomiques. Quand on pense que l’iPhone est l’objet-nomade qui a popularisé le web mobile (33% du trafic web mobile modial, et près de 50% dans les pays occidentaux), on a peine à croire que les acteurs professionnels puisse se tourner vers l’Appstore et sa censure pour diffuser de la bande dessinée. Avant l’iPhone on s’échinait à concevoir des sites pour mobile, aujourd’hui le web tout entier est accessible aux mobiles.
Les terminaux nomades tendent tous vers une connexion à Internet : Wifi, EDGE ou 3G. Certes, les débits sont plus modestes que ceux d’une connexion haut débit domestique. Mais la bande dessinée a l’avantage d’être assez peu gourmande en bande passante par rapport à la vidéo ou la musique. D’ici quelques années la donne aura changé : le très haut débit mobile est synonyme d’une concurrence écrasante de l’image animée et de la musique. J’ai souvent expliqué combien le succès des webcomics anglosaxons avait été favorisé par le marasme économique que traversait le marché traditionnel au moment même où Internet s’est démocratisé aux Etats Unis. Deux autres facteurs doivent être pris en compte : les Américains ont adopté Internet une demi-douzaine d’années plus tôt que les Français, tandis qu’ils ont bénéficié plus tardivement du développement du haut-débit, peu aisé à déployer sur un grand territoire (la France est d’ailleurs toujours en avance). Dans ces conditions, des contenus peu gourmands en bande passante tels que les webcomics ont eu plus de temps pour s’installer dans le paysage avec une rentabilité favorisée par des coûts d’hébergement nettement inférieurs aux autres formes de divertissement en ligne (jeu, musique, vidéo).
Le web mobile fait figure de seconde chance pour la bande dessinée francophone. C’est une chance qu’il ne faudrait pas laisser passer en dilapidant nos efforts et nos moyens dans des solutions timides et éphémères. Baser sa stratégie sur des terminaux dont l’espérance de vie ne dépasse pas quelques années est une terrible erreur. Aujourd’hui, des pages persos vieilles de plus de 10 ans peuvent encore être parcourues par les internautes, quelle application iPhone pourra en dire autant ?