La fin d’année est le moment idéal pour les bilans, on ne s’étonne donc pas de lire un article consistant de Heidi MacDonald, à propos de la place occupée par le webcomic sur le marché américain. L’article est fort instructif, et achève de prouver – s’il en était besoin – que la BD en ligne anglo-saxonne a largement dépassé le stade du pis-aller à la publication traditionnelle auquel on la relègue encore du côté francophone. Le texte s’adresse aux professionnels de l’édition, on ne s’étonne donc pas qu’il traite d’abord des rapports entre l’écran et le papier. La thèse soutenue par Heidi MacDonald est que le webcomic est actuellement dans une posture comparable au manga il y a 5 ou 6 ans : soutenu par un public passionné et en croissance constante.

Pour les non-anglophones, voici en substance ce que l’on y apprend :

  • Penny Arcade représente 800.000 lecteurs quotidiens, une manifestation qui attire 10.000 fans et génère suffisament de bénéfice par la publicité pour faire vivre 5 personnes et permettre aux deux auteurs de verser des centaines de dollars à des oeuvres de charité. L’édition papier est pour bientôt.
  • 5 autres webcomics à succès sont cités, qui traitent pour la plupart de jeu vidéo, permettent à leurs auteurs de vivre confortablement de leur art. Les bénéfices de l’édition papier, pour ceux qui en font l’objet, ne sont pas comparables avec les revenus publicitaires. Le livre n’est qu’un produit dérivé, l’essentiel se passe en ligne, tant artistiquement que financièrement.
  • ce succès serait du en grande partie à la liberté d’expression des auteurs, et à leur proximité vis-à-vis de leur public.
  • des livres de plus en plus nombreux ont leur origine sur le web, et il est difficile de trouver encore un jeune auteur qui n’ait pas fait ses armes sur ce support.
  • outre les success-stories qui font vivre leurs auteurs des revenus publicitaires, plusieurs éditeurs en ligne ont vu les résultats dépasser leurs espérances, tels que Modern Tales et Keenspot (de 100 millions de pages vues en 2000 à 950 millions en 2005). Le nouvel eldorado pour Joey Manley (monsieur Modern Tales) est Webcomics Nation : une plateforme d’hébergement payante pour les auteurs qui ne souhaitent pas perdre leur temps avec la technique.
  • des auteurs traditionnels comme Batton Lash publient sur le web pour élargir leur public en stagnation, avec succès. D’autres, comme Tom Hart, sont moins enthousiastes, car leur public et celui d’Internet sont trop hétérogènes.
  • publier sur papier n’est pas forcément un idéal pour les auteurs en ligne, d’autant que le lectorat en ligne apparait être radicalement différent de celui qui fréquente les échoppes traditionnelles. Pourtant tout internaute américain fréquente les sites de vente en ligne et est susceptible d’y acheter le livre de ses auteurs favoris.
  • Marvel a officialisé sa volonté de publier sur le web. Certains éditeurs utilisent ce support pour publier les auteurs qui ne représentent pas un tirage suffisant. L’explication est que le risque financier à publier en ligne est moindre.
  • l’iPod et la PSP attirent toutes les espérances : ce type d’appareil permettant enfin de lire son webcomic favori partout. Scott Mc Cloud pose cependant le bémol suivant : la « toile infinie » et la proximité à l’auteur (les deux principaux atouts du web à ses yeux) y perdent fortement