Séoul DistrictAve!comics et Telfrance lancent aujourd’hui Séoul District. Bodoi présentait le projet comme un hybride entre film et BD numérique. Au départ le scénariste Hervé Martin Delpierre comptait simplement réaliser un documentaire sur la réalisation de la BD par son dessinateur Park Hong Jin (à voir ce soir sur Arte). Au final, il a tourné en vidéo certaines scènes de la fiction. Les séquences filmées font partie intégrante de la BD numérique finale. J’ai pu découvrir le premier épisode. Verdict : de bonnes idées, quelques maladresses et finalement rien de vraiment révolutionnaire. A vouloir trop en faire, Séoul district déçoit.

Les projets numériques initiés par des auteurs sont rares. Les projets qui tentent d’aller plus loin que la numérisation de BD le sont plus encore. C’est pourquoi il faut saluer Séoul District et les producteurs qui le portent. Intégrer des scènes filmées entre des séquences dessinées pouvait sembler risqué. Pourtant, dans le premier épisode, le mélange prend bien. Le passage entre dessin fixe et vidéo profite astucieusement sur le caractère des deux mediums pour appuyer l’action. Cela fonctionne d’autant mieux dans cet univers de thriller asiatique. De John Wo à Johnnie To en passant par Tsui Hark, le cinéma de Hong Kong a popularisé ce genre dans lequel chaque scène est composée comme un moment de bravoure. L’emphase a toute sa place dans Séoul District. Il sera toutefois difficile de satisfaire un public habitué à des chorégraphies de combat et des mises en scène dramatiques autrement plus abouties que ce que Séoul District donne à voir…

Quelques maladresses perturbent malheureusement la lecture. Quelle drôle d’idée que d’avoir choisi la police « Comic sans MS » pour les lettrages. Vue et revue, on croyait cette typographie limitée aux productions amateurs et aux événements familiaux.

Mais le principal grief reste ce qu’Ave!comics appelle la « lecture dynamisée ». Le récit se déroule sous nos yeux comme une vulgaire vidéo. Par le passé, l’adaptation du  »Tueur » avait su nous mettre alternativement en position de lecteur et de spectateur. Rien de tout cela ici, le mélange dessin/vidéo y perd beaucoup d’intérêt. Si l’application iPhone permet a priori de lire la BD case à case et que la version web doit permettre une lecture par planche, la lecture par défaut reste une lecture animée. Je trouve également dommage d’offrir plusieurs modalités de lecture. Les auteurs ne peuvent décemment pas maîtriser leur récit dans toutes ces configurations. Ave!comics a développé une large palette de possibilités techniques, mais les choix artistiques font encore défaut.

Enfin, la sonorisation sonne comme un gadget. Redondante avec les indications sonores de la BD, elle est surtout assez médiocre. La bande son ne contribue pas à nous plonger dans l’action, elle est au mieux une illustration de ce qui est déjà bien assez visible.

« Trop », c’est l’impression qui demeure à l’issue de ce premier épisode. Je n’y ai rien trouvé de bien révolutionnaire, dans la mesure où ce n’est finalement qu’une vidéo à regarder d’un bout à l’autre. Paradoxalement, cela plombe le récit qui se centre pourtant sur l’assaut musclé d’un bâtiment. Si un « lecture dynamisée » de bande dessinée présentait un quelconque intérêt audiovisuel, cela fait longtemps que nous en verrions à la télévision… Il serait temps d’en prendre conscience et de tirer pleinement parti de ce qui caractérise une récit de bande dessinée.