Le ludique est la condition sine qua non d’existence du conte multimédia. Il est donc indispensable de préciser de quoi il s’agit et de balayer les usages abusifs de ce terme.

Par ludique j’entends l’option de création qui consiste à envisager une dimension participative de la perception. Il est question d’une part de l’effet potentiel de cette dernière sur le récepteur et d’autre part de ce que peut en tirer l’auteur (qui peut fort bien être pluriel) désireux d’exploiter le ludique dans son travail, voire d’en faire son objet.

Je n’entends donc pas ce terme sous le sens actuellement galvaudé en particulier dans le milieu de l’art contemporain. Par exemple la plupart des œuvres exposées au Musée du Québec (2001) puis au Musée d’Art Moderne de Lille (2003) dans l’exposition Le Ludique ne répondent pas à la définition que je propose. En effet, la commissaire d’exposition a porté ses choix sur des productions non pas proprement ludiques, mais issues d’attitudes jugées ludiques. Il ne s’agit pas non plus d’un adjectif qualifiant des pratiques amusantes ou divertissantes, mais d’un nom désignant des pratiques dont le propre est de mêler le spectateur à l’œuvre initiée par l’auteur.

Je considère le ludique comme une acception particulière de l’interactivité et non un équivalent, car il suppose que l’œuvre existe par l’établissement de règles et non d’une simple interface entre l’auteur et le spectateur. Jouer implique un enjeu, or un joueur ne peut mettre en jeu que ce qu’il possède, pour l’auteur c’est son statut d’auteur : en ouvrant l’œuvre à la participation du spectateur, il se met en danger.

L’attitude ludique est à mes yeux celle qui consiste à s’exposer totalement, à baisser sa garde, c’est une feinte de l’auteur pour tromper la méfiance du spectateur et faire mouche. Il est donc question du lien entre l’auteur et son œuvre, et en particulier du statut que ce lien implique pour l’auteur.