Suite à la nomination du blog de Frantico pour le prix du meilleur premier album au festival de BD d’Angoulême, petit point rapide sur la situation de la bande dessinée en ligne à l’approche de la fin d’année. Je fais appel à vous pour le nuancer, le compléter, l’enrichir de vos remarques et éléments, afin de dresser ensemble un bilan objectif de la situation actuelle de la bande dessinée en ligne sur le web francophone au regard de sa situation sur Internet en général.

(mis à jour le 16/12/2005 à 23:41)

  • Aux Etats Unis le secteur du comics est tombé très très bas en terme d’image et de ventes. Si bien que les webcomics raflent chaque jour un peu plus la mise grâce à leur diversité et leur créativité, les éditeurs en ligne professionnels commencent à voir largement tourner le vent en leur faveur. Marvel laisse ouvertement entendre qu’ils envisagent de publier en ligne. Bien entendu la conversion n’est pas linéaire entre public perdu sur papier et public gagné en ligne, les observateurs tels que Scott Mc Cloud ou Joey Manley expliquent plutôt que le webcomic a su toucher des publics que les comics traditionnels avaient délaissés.

Bref, en dehors des irréductibles gaulois francophones on dirait bien que l’avenir de la BD passe par le net, du moins pour une part importante les nouvelles générations d’oeuvres et d’auteurs internationaux. L’arrivée de prix officiels pour les webcomics est assez parlante (Ignatz et Eisner awards), car les défenseurs de ces prix ont eu fort à faire pour convaincre les traditionnalistes de les adopter : c’est le poids grandissant du marché qui semble faire pencher la balance.

Un marché dont nous restons singuliérement « préservés » dans les pays francophones, pour lesquels la BD n’a jamais été en aussi bonne santé que ces dernières années, grâce au nouveau sang apporté dans les années 90 par les éditeurs indépendants. Faut-il s’en réjouir ou au contraire s’inquiéter de voir que les éditeurs préfèrent récupérer sur papier les auteurs créatifs, au lieu de les encourager à poursuivre leur travail sur le support qui les a révélés ?

Mon cheval de bataille en posant ces questions n’est pas la mort du support papier loin de là, mais peut-être bien celle du format unique. L’album de Frantico n’est qu’un produit dérivé : suivre la production d’un auteur en « temps réel » se rapprocherait de la scène pour un artiste musical ; tandis que l’album serait l’équivalent du CD. L’album est un produit, relativement couteux, qu’on achète d’abord comme un objet. Le fait que L’Association (fer de lance de la « nouvelle bande dessinée » des années 1990) ait batti son succès sur un retour aux valeurs de l’objet ne me semble – à ce titre – pas innocent. La bonne santé du marché de la BD de par chez nous repose en grande partie sur ce positionnement commercial autour de l’album-objet. L’industrie musicale est en train de comprendre douloureusement ce que cela peut coûter de tout mise sur l’objet… Les éditeurs de BD sont encore largement épargnés, mais cela durera-t-il ?

D’un point de vue narratif, la production de ces dernières années ne m’emballe pas franchement, et je ne crois pas être le seul à ressentir une certaine lassitude. On peut bien entendu encore créer pour le papier ! Mais il y a d’autres formes narratives qui apparaissent et qui sont encore abordées avec un peu trop de désinvolture par le milieu francophone. Signalons tout de même que des sites comme Coconino World prouvent depuis plusieurs années, sur le web francophone, que l’on peut produire des oeuvres sur écran, et combien l’écran peut également être un support de diffusion de qualité pour des oeuvres qui ne peuvent (plus) être montrées sur papier.

(l’essentiel de ce billet est né en commentaire du blog de Gilles Laborderie)