Dans la foulée des échanges nourris de ces derniers jours, Sébastien Naeco signe un article fort intéressant autour des problématiques liées au financement et à la rentabilité de la BD numérique. Très intéressant car Sébastien décrit en creux les modèles économiques en présence. Force est de constater que ceux-ci sont loin d’être assez ambitieux, assez inventifs ni assez tournés vers le soutien à la création artistique.

Le métier d’éditeur devient celui d’un gestionnaire de catalogue. Il ne s’agit plus faire découvrir des artistes en leur donnant les moyen d’être publiés. Il faut croire que la BD francophone se porte si bien depuis plusieurs années qu’elle craint de se remettre en question. Quel dommage qu’une position aussi favorable provoque une telle crispation sur ses acquis et un manque de goût pour la prise de risque. Dans bien des secteurs on consacre de l’argent à la recherche et développement, pas en BD. En tous cas pas pour contribuer aux recherches artistiques. On juge aujourd’hui plus prudent de s’en remettre à des développeurs et des revendeurs de solution pour imaginer les nouveaux formats et de tester ces derniers avec le catalogue existant.

Sébastien rappelle qu’il n’existe pas de tête d’affiche en BD numérique dont le nom ferait vendre les oeuvres… Alors pourquoi ne pas innover en mettre en place des modèles ne nécessitant pas de tête d’affiche ? On l’a vu avec la musique et l’essors du jeu vidéo indépendant : le succès et la rentabilité peuvent tout à fait naitre de méthodes radicalement différentes de celles des « têtes de gondole ». Les blogs BD ont prouvé qu’un oeuvre diffusée gratuitement et librement par de parfaits inconnus pouvait se forger une telle notoriété et un public si attaché à elle qu’il devient possible de produire de la valeur. Les webcomics US ont eux aussi largement exploré ce modèle. Mais là bas le marché traditionnel ne faisait plus rêver comme ici, il faut croire que c’est dans la nécessité que les artiste savent donner le meilleur d’eux-même.

Peut-être est-ce là notre principal problème : les auteurs francophones font trop confiance aux institutions en place pour décider des formats et des finances. Je lisais hier les premiers chapitres de « How to make webcomics » écrit par Brad Guigar (Evil Inc.), Dave Kellett (Sheldon), Scott Kurtz (PvP) et Kris Straub (Starslip Crisis). Tout commence par une mise au point très simple : l’auteur de BD en ligne doit d’abord compter sur lui-même. Il part pour plusieurs années de pur bénévolat durant lesquelles sa priorité doit être de raconter ce qu’il a décidé de raconter, avec son talent et sa passion pour seuls carburants. Une fois qu’il aura su conquérir son public, il pourra rentabiliser son travail et peut-être même en vivre. On ne devient pas milliardaire ainsi, mais vivre de son art est déjà énorme. Ce sont des artistes qui l’écrivent, et des artistes qui sont passés par là.

La littérature anglosaxonne sur le sujet est très instructive, mais la plupart des acteurs francophone semblent l’ignorer avec autant de désinvolture qu’ils ignorent les rebondissements vécus par la BD en ligne chez nous au cours de ces dernières années. Sébastien a totalement raison d’en appeler à l’embauche de cadres compétents en la matière pour éclairer les décisions qui s’imposent. Mais en prenons-nous vraiment le chemin ?

Pour terminer, Sébastien relève que les compétences et les moyens financiers ne sont peut être pas à chercher du côté des éditeurs de BD mais des éditeurs multimédia tels qu’Ubisoft ou Electronic Arts. Je le pense aussi. D’autant plus que la BD numérique a sans doute besoin de financements un peu différents de ceux pratiqués dans l’édition. Le modèle est peut-être à chercher du côté de la production (comme dans le jeu vidéo ou le cinéma) et pas de l’édition.

PS: mon pseudo prend une majuscule au « F », qui est l’initiale de mon nom de famille. Le « i » est effectivement arrivé là il y a une douzaine d’années de cela par analogie aux fichiers « gif » (animés ou non » ;).